Ces
bureaucraties ont accepté à contrecœur d'ouvrir un marché jusque là cadenassé
par des entreprises publiques ou parapubliques. Cette construction permettait
de contrôler l'approvisionnement, de bâtir des empires administratifs truffés
de féaux du régime, gros pourvoyeurs d'emplois partiellement ou totalement
fictifs, sources de revenus fiscaux et parafiscaux qui avaient l'avantage, fort
apprécié en ces temps de prédation fiscale galopante, de camoufler les revenus
des bureaucraties sous des intitulés tels que "cotisations de
solidarité", "frais d'acheminement" ou encore "fonds pour
la rénovation du réseau". Le bien-fondé et les vrais bénéficiaires de ces
sources de revenus sont bien entendu invérifiables par le consommateur
individuel, qui ne pourra pas compter sur les "commissions de
régulation" mises en place par l'Etat, et peuplées de
"contrôleurs" issus de la même fonction publique.
Dans
les pays anglophones, les efforts de transparence et d'ouverture des marchés
ont généralement donné de meilleurs résultats que dans les pays du continent,
où la résistance des bureaucraties a été considérablement plus forte. En
Belgique, souvent laboratoire de l'absurde, il était certain que l'application
pratique d'une intention louable serait nécessairement bâclée. De nombreux
consommateurs, sceptiques, ont donc choisi de rester clients, par défaut, de
l'ancien monopoleur. De plus, c'est pratiquement dans la soi-disant capitale
européenne que la libéralisation a eu le moins d'effet, et ce pour trois
raisons. La première est l'hésitation des concurrents potentiels devant les
exigences des différentes couches du mille-feuille bureaucratique, qui
n'avaient aucune intention de laisser tarir source de revenus (pour elles) et
de taxation "solidaire" (pour les consommateurs). La seconde est
l'avantage concédé au monopoleur sous forme d'une régie d'une partie du réseau
de distribution. La troisième est l'importance des investissements requis, pour
une population somme toute assez restreinte et des imbroglios juridique,
réglementaire, linguistique, géographique, qui sont tous des facteurs
d'incertitude.
Cinq
ans après la libéralisation (1er janvier 2007), force est de constater que
l'évolution des prix au consommateur n'a plus aucune relation avec les prix du
gaz naturel sur les marchés internationaux, et donc, il est permis de le
supposer, avec les prix auxquels le monopoleur s'approvisionne lui-même. La
comparaison des deux tableaux qui suivent est édifiante. Les prix du gaz
naturel sur les marchés ont chuté de 80% depuis trois ans. A Bruxelles, par
contraste, les distributeurs n'ont cessé d'augmenter leurs tarifs au cours de
cette même période.
La "concurrence" semble n'avoir eu pour seul effet
que d'inciter les "concurrents" à se plaquer sur les tarifs de
l'ancien monopoleur, encouragés en cela, sans doute, par la nécessité de
reverser aux administrations une proportion de plus en plus importante de leurs
recettes.
Le
montant des factures n'a plus de rapport non plus avec l'évolution de la
consommation d'un particulier. Quels que soient ses sacrifices et ses
investissements pour réduire sa consommation, ce consommateur voit le total de
sa facture continuer à augmenter. Sur ce point, une évidence prise sur une
facture personnelle récente: malgré des efforts de réduction de consommation
(et donc une notable baisse du niveau de confort et de la qualité de vie), le
fournisseur "historique" et par défaut augmente le montant des
provisions pour les douze mois à venir. En toute logique, il est difficile de
réconcilier une réduction des quantités (- 7%), une baisse du prix du produit
importé, et une augmentation de la provision (+ 9%).
La
responsable du quasi-monopoleur était récemment interrogée dans les médias sur
toutes ces contradictions, et sur l'annonce qui avait été faite quelques jours
auparavant que le prix final pour le consommateur allait encore augmenter, en
dépit de la chute des prix internationaux. Elle acceptait de revenir sur cette
décision de hausse, et promettait au contraire une réduction des prix de 10% à
partir du 1er mai. Publiquement, la société annonce donc une réduction de 10%, mais, sur la facture
personnelle citée, applique de fait une augmentation
de 18% de ses prélèvements pour les 12 prochains mois!
Il
peut paraître difficile de faire évoluer le prix réclamé aux consommateurs en
fonction des prix sur le marché (ce qui serait pourtant le résultat dans un
marché véritablement concurrentiel) compte tenu des diverses "contributions"
reversées aux administrations, qui ne cessent de réclamer de plus en plus de
revenus. Si le consommateur bruxellois voyait sa facture suivre l'évolution de
la facture d'un résident de Washington DC, par exemple, la part prélevée par
l'administration, ajoutée aux frais de "réseau" représenterait
aujourd'hui la quasi-totalité (90%) de la facture des particuliers. La
fourniture de gaz naturel n'est plus qu'un prétexte de prélèvements
quasi-fiscaux.
Le consommateur est en droit d'attendre que ses factures suivent l'évolution du prix du produit sur les autres marchés. Après tout, le fournisseur ne fait que stocker et distribuer le produit, sans avoir à le transformer.
Dans un tel arrangement, où la baisse de 80% du prix d'achat a été intégralement transformée en bénéfices, et n'a pas été répercutée sur la facture du consommateur, il serait absurde pour ce dernier de souscrire un engagement à long terme, même si les "baisses" de tarif annoncées sont réservées à ce type de contrat. Ceci n'aurait de sens que si des prix garantis protégeaient effectivement la clientèle des variations trop importantes sur les marchés internationaux. On voit surtout qu'un tel engagement permet au monopoleur de continuer à appliquer des tarifs sans aucun rapport avec la baisse considérable du prix du gaz naturel. Il n'existe d'ailleurs aucune justification possible au refus du monopoleur d'appliquer les baisses de tarifs au contrats à durée indéterminée. Bien au contraire, ces contrats se voyant appliquer les hausses plus rapidement, devraient également bénéficier plus vite des baisses de prix.
Ces
pratiques n'ont apparemment pas réveillé les fonctionnaires de la
"Commission de Régulation de l'Electricité et du Gaz" (CREG). Cette
Commission semble moins concernée depuis trois ans par son mandat
("veiller aux intérêts essentiels des consommateurs") que par le
maintien des prélèvements au profit des administrations.
L'accès
facile aux médias publics, pour le fournisseur "historique", permet
au quasi-monopoleur de prétendre agir dans l'intérêt du consommateur, tout en agissant
différemment avec chaque consommateur individuellement, sachant que ce dernier
n'a pas accès aux mêmes moyens d'information, subira sans réagir les décisions
qui l'affectent, ou ne prendra pas la peine d'éplucher les documents fournis
par le fournisseur historique (il est vrai qu'en 20 ans, le nombre de pages
d'une facture est passé de une à dix, ce qui rend - peut-être
intentionnellement d'ailleurs - les factures bien plus opaques).
Puisque les Commissions de Régulation ne remplissent pas la fonction pour laquelle elles ont été créées, pourquoi ne pas utiliser les médias sociaux pour diffuser les informations, et inciter tout un chacun à éplucher ses factures, et - pourquoi pas? - s'indigner: cette fois, ce serait pour la bonne cause: son propre intérêt et non celui des bureaucraties.
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RépondreSupprimerhupezl@gmail.com Cordialement et merci d'avance !