Selon Joseph
Schumpter, la "destruction créatrice" est au coeur même du
capitalisme. Mais qu'est-ce que le capitalisme, sinon l'accumulation de moyens
de production, qui permettent l'allongement des processus de fabrication? Bien
sûr, les collectivistes revendiqueront la propriété du capital pour l'Etat
(donc pour des fonctionnaires irresponsables), alors que les libéraux, bien au
contraire, restent convaincus que les décisions concernant le capital doivent
être soit sanctionnées par la faillite, soit récompensées, et donc que le
capital ne peut appartenir qu'à des personnes privées, responsables de leurs
décisions, qui en paient les conséquences ou en récoltent légitimement les
fruits. Dans le premier cas, un système fondé sur l'irresponsabilité ne peut
que s'effondrer avec fracas, comme le Mur de Berlin et toute la misère qui se
cachait derrière celui-ci. Dans le second cas, s'ensuit une considérable
amélioration de la qualité de vie, et un recul de la pauvreté.
Sans "destruction
créatrice" il ne peut exister aucun développement. Si le contraire était
vrai, les fabriques de diligences subsisteraient aujourd'hui, et 8 milliards
d'êtres humains auraient besoin de 100 milliards de chevaux pour se déplacer,
et pour transporter leurs marchandises. Heureusement (notamment pour
l'environnement, car les ancêtres des "écologistes" avaient prédit au
19ème siècle que le crottin de cheval recouvrirait Londres jusqu'aux toits!),
les diligences ont connu une période de "destruction", qui a ouvert
la voie à une période bien plus "créatrice". Cette destruction,
suivie de création, a permis à un nombre infiniment plus grand de personnes de
se déplacer sur des distances bien plus longues, dans un confort bien plus
grand, et à des vitesses bien plus élevées.
Mais nos sociétés
modernes sont caractérisées par des forces considérables qui s'opposent à la
partie "destruction", sans réaliser que, sans elle, il ne peut y
avoir de "création". Ces forces de régression sont l'Etat, d'une
part, et les syndicats politisés de l'autre. Le meilleur exemple de ces ennemis
de l'amélioration du niveau de vie sont ceux qui, en France, hurlent pour
"interdire les licenciements"!
L'Etat est ici
compris comme cette fiction qui permet à un groupe de personnes de prélever une
partie des richesses sans contrepartie, et sans le consentement explicite des
spoliés. Il ne s'agit donc pas seulement de ces parties d'administrations qui
se réclament de l'Etat souverain, mais aussi de toutes les sub-divisions
(formes de métastases) de cet Etat (régions, départements, communes, etc...)
qui dépendent, pour leur propre subsistance, du monopole de la violence que
s'est arrogé l'Etat central dit "souverain".
Aujourd'hui, les
syndicats ne sont plus ce qu'ils n'auraient jamais du cesser d'être, à savoir
une représentation légitime des intérêts des travailleurs d'une entreprise
particulière. Ce sont devenus des organisations politiques, souvent financées
par l'Etat bien plus que par leurs adhérents, et qui mobilisent des moyens de pression
nationaux contre des entreprises isolées. Lorsque ces syndicats prétendent
représenter les intérêts de fonctionnaires d'Etat (ou de ses métastases), ils
cumulent bien évidemment les deux dangers: monopolisation de la violence
"souveraine" contre les citoyens, et utilisation des moyens de ces
mêmes citoyens contre ceux-ci. Les cotisations syndicales des fonctionnaires
sont bien évidemment payées, comme leurs salaires, par les citoyens, qui
fournissent ainsi à ces fonctionnaires les armes avec lesquelles ils les
détruisent.
Dans le cas de la
ville de Detroit, ces deux formes de prédation (pouvoirs publics et syndicats)
se sont alliés pour mener la ville dans une situation financière si désespérée
qu'elle n'a pas eu d'autre option que de demander sa mise en faillite. Sur des
dettes totales évaluées à 18 milliards de dollars, les engagements futurs à
l'égard de ses propres employés (retraites, soins de santé, etc...)
représentent ... plus de 10 milliards! Or les recettes de la ville se sont
effondrées: elles sont passées de 1,9 milliards par an en 2002 à 1,5 milliards
en 2012. En d'autres mots, les employés municipaux ont refusé d'ajuster leurs
revenus à la faculté de la ville d'extorquer ces ressources des autres
citoyens. Il n'étonnera personne que plus de citoyens encore aient fui cette
prédation, accélérant la chute.
A ceux qui
s'imaginent que des villes ne peuvent mourir, parce que leurs fonctionnaires
pourront toujours voler la propriété des résidents (après avoir volé leurs
revenus), il n'est pas inutile de rappeler le cas de l'ancienne Rome impériale.
Sa population dépassait un million au faîte de sa puissance. Cinq siècles après
la chute, la "ville" ne comptait plus que dix mille pauvres hères
tentant de survivre dans des ruines. Sans eau (les barbares avaient volé le
plomb des aqueducs, comme aujourd'hui le cuivre des chemins de fer), sans
nourriture (les barbares avaient envahi le Maghreb, grenier à blé de Rome),
sans sécurité (l'armée elle-même était composée de barbares) les conditions de
vie étaient redevenues préhistoriques. Et ce qui restait de l'Etat ne pouvait
s'emparer de propriétés qui n'existaient plus...
Au sommet de sa
gloire, Détroit comptait 1,8 millions d'habitants. Elle n'en a plus que 700.000
aujourd'hui. Son déclin est plus rapide que celui de Rome... Il est moins
onéreux de détruire une maison que d'en payer la taxe foncière!
Le sens commun
exige que les villes qui voient leurs populations s'enfuir pour échapper à la
prédation de l'administration et au déclin, ne peuvent plus ajuster leurs
budgets en augmentant encore leurs taxes (ils n'ont plus de victimes à
rançonner...), mais n'ont d'autre solution que de réduire leurs dépenses, et
leurs dettes. Et la seule technique est d'officialiser, par la faillite, leur
incapacité de payer les salaires, retraites, soins de santé, et la multitude de
privilèges consentis à leurs propres fonctionnaires.
Face aux
invasions barbares qui diminuaient ses ressources, la Rome impériale avait
interdit à chacun de quitter son emploi, et avait même imposé aux fils de
reprendre le métier de leur père. On sait ce qu'il est advenu de cet Empire-là!
Aux Etats-Unis, Détroit et 30 autres villes tentent de se dégager de leurs
obligations vis-à-vis de leurs employés en demandant à une juridiction
spécialisée de prononcer leur faillite: en fait, d'acter l'évidence.
En France (et en
Belgique) une ville ne peut tomber en faillite. Elle est placée "sous
tutelle". Mais quand est-il lorsque toutes les villes ont des dettes
qu'elles ne peuvent rembourser? Faudra-t-il attendre un nombre suffisant de
faillites municipales pour que l'État lui-même se déclare incapable de faire
face à ses obligations?
Un système plus
pervers encore pourrait être appliqué aux Etats-Unis: Une armée d'avocats
attaquent la ville en prétendant que sa demande de mise en faillite est
"inconstitutionnelle". (Selon eux, les fonctionnaires ne
"peuvent accepter moins que ce que la ville leur a promis"...)
Gageons que, au moment où la décision sera prise, le total des honoraires des
avocats seront supérieurs aux dernières possessions de la ville.
En effet, aux
Etats-Unis, le système légal ayant été kidnappé par la caste des avocats, la
liquidation des biens "collectifs" de Detroit (s'il en reste...) ne
reviendra jamais à ceux qui les ont payés (les citoyens) ou à ceux qui les
réclament (les fonctionnaires), mais à la clique des avocats des faillites.
En définitive, la
faillite de Détroit (et toutes les faillites des villes et Etats qui suivront)
se résume à une question: jusqu'où des fonctionnaires pourront utiliser le
monopole de la violence pour extorquer des avantages qu'ils se sont eux-mêmes
accordés, et qu'ils ont refusés à leurs victimes, c'est-à-dire à leurs
citoyens?
Après avoir fait
fuir ses citoyens, la ville de Détroit doit encore se débarrasser de sa dette,
de ses fonctionnaires, et ... des avocats qui font obstacle à sa destruction
créatrice!
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