Pour le
"vulgum pecus" que nous sommes devenus, les Prix Nobel devraient
distinguer des carrières particulièrement utiles à l'ensemble de l'humanité,
des sommets intellectuels, des avancées majeures dans les sciences. C'était
indiscutablement le cas pour des gens comme Camus, Einstein, ou Hayek et des
centaines d'autres "lumières".
Mais, comme toute
chose, les prix Nobel se déprécient avec le temps. Qui voudrait encore
aujourd'hui du titre de "César", pourtant très recherché dans
l'Antiquité romaine? Comme pour les "Césars", de moins en moins
respectables, les Nobel se déprécient par le niveau de ceux qui se voient
décerner cette médaille. Obama fut lui-même étonné de se voir attribuer un Prix
alors qu'il n'avait encore rien accompli. Le Prix attribué à l'Union Européenne
a été suffisamment ridiculisé, ne serait-ce que parce que trois bureaucraties
ne parvinrent même pas à s'entendre sur le nom de celui qui irait chercher la
récompense. Ce hochet était d'ailleurs d'autant moins mérité que l'Union a
lamentablement échoué dans ce que les Traités définissaient comme son but
essentiel (et le seul!): "l'amélioration constante des conditions de vie
et d'emploi de leurs peuples". Face à leurs échecs, les bureaucraties
s'étaient donc inventé, a posteriori, un but (le maintien de la paix) qui
n'existait pas dans le Traité original, celui signé à Rome en 1957.
Comme toute
administration qui échoue dans ses missions d'origine, l'Europe s'est donc
inventée des buts artificiels. La bureaucratie européenne ne méritait
certainement pas le Prix de la Paix, puisque la paix n'avait jamais été sa
raison d'être. Lui attribuer le Nobel d'économie serait encore plus indécent.
Mais elle serait en bonne compagnie, avec des lauréats qui ont fait plus pour
discréditer ce Nobel-là que s'il avait été attribué à Bernard Madoff. Et ici,
l'attribution la plus regrettable (et sans doute la plus regrettée) n'est pas
celle de Merton et Scholes (qui avaient "inventé" des formules
mathématiques qu'ils ont ensuite appliquées dans un fonds de placement qui a
fait une faillite spectaculaire, entraînant la ruine de ceux qui leur avaient
fait confiance) ou celle de Joseph Stiglitz, qui semble aujourd'hui avoir des
recettes pour tout, et surtout pour nous faire avaler des recettes keynésiennes
qui ont été la cause principale, si ce n'est la seule raison, de la destruction
des économies, du marasme et de la dépression, du chômage et de la destruction
du capital, base de notre civilisation.
Pour les Prix
mérités, la distinction est une incitation au dépassement d'eux-mêmes. Pour les
Prix de pacotille, le Nobel est une publicité qui fait vendre. Stiglitz a vendu
des livres qui sont devenus des bestsellers, alors qu'ils n'auraient pas trouvé
preneur sans cette notoriété. Mais il est un lauréat qui dépasse Stiglitz dans
ce domaine. Paul Krugman, qui défend des thèses keynésiennes, pourtant
discréditées par la répétition des crises, qui ont démontré l'inanité de
politiques étatistes basées sur l'illusion que la monnaie crée la richesse, et
que donc, en émettant plus de monnaie, on crée plus de bien-être.
Krugman a des
clients, et les médias se bousculent pour lui ouvrir leurs colonnes, sachant
que le peuple préfère la facilité à l'effort, la simplification d'une formule à
la responsabilité personnelle. Les médias français adorent Krugman, et l'une
des dernières "livraisons" du Nobel s'est étalée dans le
"Courrier International", sous le titre accrocheur de
"L'austérité tue", imitant le slogan imposé aux cigarettiers:
"Fumer tue". Faut-il rappeler qu'il n'y a pas si longtemps, l'Etat
lui-même était cigarettier et même monopoleur (la SEITA française a tué des
millions de fumeurs)? Le slogan aurait donc du être, logiquement: "L'Etat
tue". Et c'est ce que cet article tentera de démontrer...
Krugman monte
d'abord en épingle une erreur statistique dans une étude ("Growth in a
Time of Debt" - "La Croissance dans une ère d'endettement"),
publiée en janvier 2010 par deux universitaires américains. Il oublie
évidemment de mentionner également que ces auteurs ont corrigé ces erreurs,
citant nommément Krugman, dès le mois d'août 2010, et que les corrections ne
changeaient pas fondamentalement les tendances et les conclusions. La mauvaise
foi pourrait-elle être Nobélisée?
L'étude en
question démontrait que les économies entraient dans une spirale de dépression
dès que la dette de l'État dépassait 90% du PIB. Bien entendu, Krugman peut
ergoter sur ce chiffre, et prétendre qu'il devrait plutôt être de 89,9% ou de
90,1%. Bien entendu, une multitude de facteurs peuvent affecter chaque pays de
manière différente: une forte croissance dans les pays partenaires commerciaux
peut contribuer à une amélioration de la situation économique et à une
réduction du ration dette/PIB.
Après s'être
étendu sur cette erreur statistique (et avoir ignoré les corrections des
auteurs qui ne changeaient rien aux conclusions), Krugman lance sa première
contre-vérité: "au commencement était la bulle". Nul keynésien
n'admettra jamais que la bulle est précisément, et uniquement, le résultat de
politique ... keynésiennes! Si, comme l'écrit Krugman, le "marché
immobilier était en surchauffe", la seule raison n'était-elle pas que les
Etats (Etats-Unis, Irlande, Espagne en particulier) avaient encouragé une
spéculation dans ce secteur, en laissant les risques des banques exploser
démesurément, et en refinançant l'endettement par une politique complaisante
visant à laisser la masse monétaire augmenter beaucoup plus rapidement que
l'économie réelle. Certains Etats ont même eu des comportements criminels,
puisqu'ils ont encouragé ces prises de risque. Ils bénéficiaient d'ailleurs de
ces "bulles" qu'ils créaient, sous forme de taxes diverses sur les
constructions, d'impôts sur les bénéfices des sociétés, et de taxes sur les
salaires.
Il est donc faux
de prétendre qu' "au commencement était la bulle". En réalité, au
commencement, étaient des politiques keynésiennes d'expansion monétaire sans
relation avec l'économie réelle. Et, comme l'a dénoncé Hayek à plusieurs
reprises, cette politique "krugmanienne" a entraîné des excédents
d'investissements (un détournement de l'épargne) dans des secteurs économiques
qui ne peuvent enfler que lorsque le taux d'intérêt est maintenu
artificiellement en-dessous du taux d'équilibre. Des investissements à long terme
(typiquement dans l'immobilier) sont donc réalisés, alors qu'ils ne le seraient
pas sans expansion monétaire artificielle, ou sans taux d'intérêt maintenu
artificiellement bas.
Aux Etats-Unis,
où la crise a trouvé son origine, les autorités de supervision bancaire ont
lamentablement failli à leur mission. Et elles ne peuvent utiliser comme excuse
la politique qui leur était imposée par l'Etat de diriger une part des crédits
hypothécaires vers les couches "défavorisées" de la populations,
c'est-à-dire, en pratique, vers ceux qui avaient déjà fait défaut sur des
crédits précédents, ou qui n'avaient aucun moyen de rembourser leurs crédits.
Les banques inventèrent des artifices pour attirer ces couches
"défavorisées": souvent, des taux artificiellement bas étaient
proposés pendant une première période (généralement deux ans), puis, dès la
troisième année, des taux plus proches du marché faisaient monter les
mensualités à des niveaux que les emprunteurs ne pouvaient plus payer. Il ne
faut pas s'étonner que des spéculateurs bâtirent des fortunes en misant sur
l'incapacité des emprunteurs de rembourser à partir de la troisième année...
Mais où étaient les superviseurs?
Les gauchistes
dénonceront les spéculateurs. Jamais ils n'admettront que ceux qui ont misé
contre un système aberrant instauré par l'Etat n'ont fait que dénoncer
eux-mêmes une absurdité. A terme, l'explosion de la bulle a révélé l'injustice
et même le caractère criminel de l'Etat. Pour contraindre les banques à
financer les emprunteurs jugés "défavorisés", l'Etat américain avait
été jusqu'à refinancer, et même assurer, les crédits "obligés".
Lorsque la bulle a éclaté, les citoyens non-emprunteurs se sont vu sanctionner,
et ponctionner, pour payer les conséquences de la folie de l'Etat. Comme
toujours dans un Etat gauchiste, le résultat a été l'abaissement de tous dans
la médiocrité, l'appauvrissement général, et non pas l'amélioration des
conditions des couches décrétées "défavorisées" par des bureaucrates.
Il faut donc
créer de toutes pièces un rôle pour l'État. Aucune bureaucratie n'a jamais créé
quoi que ce soit: elle se contente de prélever aux uns pour acheter les voix
des autres. C'est sans doute la raison pour laquelle, dans le calcul du PIB,
les "revenus" de l'Etat sont appelés "transferts". Les
impôts réduisant le pouvoir d'achat de Pierre servent à alimenter la
consommation de Paul, et, surtout, les dépenses de fonctionnement de l'
"appareil d'Etat", c'est-à-dire le train de vie des fonctionnaires,
de leur engagement à leur mort.
Au coeur du
raisonnement de Krugman se trouve la rengaine keynésienne: "Pourquoi
l'austérité est [..] un problème? A cause de l'interdépendance: vos dépenses
sont mon revenu, mes dépenses sont vos revenus". Mais, Mr Krugman, c'est
précisément pour cette raison que la bulle de l'immobilier (ou celle de
l'internet qui l'a précédé, et celle qui la suivra) qui a eu son origine dans
de l'argent facile, émis par l'État, a créé des revenus artificiels. Puisque
mon revenu (en admettant que je sois le bénéficiaire de cet argent artificiel)
est augmenté sans aucune contrepartie supplémentaire de ma part, en cas
d'émission de monnaie au-delà des besoins concrets de l'économie, ces moyens
excédentaires dont je dispose deviennent eux aussi artificiels. Mes dépenses
(artificielles) deviennent vos revenus (tout aussi artificiels).
Si j'acquiers une
maison sans aucun financement, je ne fais que changer une forme d'actif (un
compte d'épargne, un autre bien immobilier, des actions, etc...) en une autre
forme. Il n'y a aucune inflation, aucune émission artificielle de monnaie,
aucune crise à l'horizon. Si par contre, je finance la totalité de mon achat
avec un financement bancaire (et on a vu des prêts hypothécaires consentis pour
120% de la valeur du bien!), de deux choses l'une: soit le système bancaire
dans son ensemble transforme l'épargne de l'un en un prêt pour l'autre, soit la
banque qui finance l'achat ne dispose pas des ressources, et obtient un
refinancement de la part de la banque centrale (ou d'un faux-nez de l'État dans
le cas des "sub-primes" américains). Voilà la recette des
catastrophes. L'émission monétaire est dissociée de l'expansion de l'économie
réelle.
Bien sûr, il est
un bénéficiaire sournois et dissimulé (jusqu'à l'implosion) de cette
"expansion" totalement artificielle: l'État lui-même, sous diverses
formes. D'abord, dans le cas des crédits hypothécaires excessifs, sous formes
de taxes diverses sur les achats (2% aux Pays-Bas, 6% en France et jusqu'à ...
14% en Belgique). Ensuite sous forme de transformation d'un investissement réel
à long terme (le logement) en bénéfices à court terme pour toute une armée
d'intermédiaires: notaires, maçons, plombiers, agences immobilières,
promoteurs, etc...: un large éventail de profiteurs qui ne mèneraient pas le
même train de vie si le système financier se contentait de transformer une
épargne existante au lieu d'émettre de la monnaie artificielle.
Et la bulle
explose, comme le font toujours toutes les bulles. Et lorsqu'elles explosent,
deux courants d'idées s'opposent, en matière économique. Les vrais économistes,
de l'école autrichienne, insistent pour que les scories de la folie
expansionniste par l'émission de monnaie excédentaire soient éliminés. Le
surplus de logements (dans le cas de la bulle immobilière) doit être cédé au
prix qu'il aurait atteint si la bulle n'avait pas existé. En France par
exemple, les prix des logements sont surévalués de 40% si on les compare à
l'évolution générale des revenus, des loyers, et des prix des autres biens.
L'autre école,
celle des intégristes keynésiens, ne voit aucun problème dans les bulles: il
faut même continuer à souffler dedans, pour qu'elles enflent plus encore. L'un
de ces moyens artificiels permettant de préserver et même gonfler les bulles
existantes, est, selon Krugman, le système de "stabilisateurs
économiques" (impôts et protection sociale). Dans la réalité, persister
dans l'erreur d'une bulle en l'entretenant, ce n'est pas un "stabilisateur
économique", mais une bombe à retardement. L'ajustement devra se faire,
coûte que coûte, et le plus tôt sera le moins pénible. Retarder l'éclatement,
c'est aggraver ses conséquences, et risquer non plus un simple dégonflement
plus ou moins ordonné, mais une véritable explosion.
Mais Krugman ne
voit, ne comprend, et ne vend, qu'une seule idée: il faut "inonder
l'économie de liquidités". Si vous vous noyez parce que vous n'avez plus
pied, Krugman ouvre grandes les vannes pour faire monter l'eau... Et c'est
ainsi que Krugman en arrive même à faire l'éloge de la politique dévastatrice
de la Réserve Fédérale, qui a "non seulement raboté les taux d'intérêt,
mais est intervenue sur les marchés pour acheter tout ce qu'elle pouvait,
depuis les billets de trésorerie jusqu'aux titres de créances d'État à long
terme". En une seule phrase, Krugman résume la destruction criminelle de
l'économie par des mesures absolument démentes, prises dans le seul but de
préserver l'État et de détruire le secteur privé. Prenons-les dans l'ordre des
recettes peu ragoûtantes préconisées par Krugman.
D'abord, détruire
l'épargne, annihiler la différence entre un investissement rentable et une
dépense destructrice de richesses. Il faut "raboter les taux
d'intérêt". Que vous dépensiez aujourd'hui ou demain, que vous épargniez
ou que vous dépensiez, que vous investissiez ou que vous détruisiez vos avoirs,
pour Krugman et sa clique, il ne peut y avoir aucune différence. Si vous
persistez à vous protéger de l'incertitude de l'avenir, il faut détruire vos
protections: l'État est là, bienveillant, totalitaire, omniscient.
Ensuite, la Fed
"achète" les créances. Soit Krugman ignore cette différence, pourtant
élémentaire, entre un réescompte (où la banque qui gage ses actifs reste
responsable du risque) et l' "achat" d'une créance par la Fed, où la
banque se débarrasse également du risque crédit. La seconde formule est la voie
grande ouverte à l'étatisation pure et simple du système financier, où toutes
les décisions de crédit seront prises par des fonctionnaires, sur base de
critères politiques, et sans aucune considération pour les mérites économiques
d'un investissement.
Enfin, Krugmam se
réjouit de voir la Fed "acheter" des créances d'État. Or ces créances
financent des déficits courants (salaires et retraites des fonctionnaires,
etc...). Il s'agit donc bien de permettre aux bureaucraties de survivre un
temps encore, tout en détruisant tous les secteurs économiques qui produisent
de la richesse. Mais, à terme, de quoi vivrait donc l'Etat? Bien sûr, comme le
disait avec une désinvolture méprisante Keynes, le gourou de Krugman,
"dans le long terme, nous serons tous morts". Effectivement: Keynes,
Krugman et les adeptes de la secte keynésienne nous auront tous massacrés.
Krugman se
délecte ensuite à attaquer les plans de rigueur imposés aux pays de la zone
euro qui avaient profité de l'union monétaire pour faire exploser leurs
dépenses publiques. Certains avaient même tout simplement trafiqué leurs
comptes publics pour pénétrer, somme toute par effraction, dans un club qui ne
devait, au départ, avoir que peu de membres. Mais la décision fut laissée aux
politiques, et chacun connaît les conséquences de cet abandon, et en paie
aujourd'hui lourdement le prix. Krugman ne s'attarde pas, bien évidemment, sur
l'origine et les raisons de ce qui n'est, ni plus ni moins, qu'une escroquerie
des États.
Aujourd'hui, la
solution ne sera jamais keynésienne: la fuite en avant ne fera qu'aggraver la
situation, détruire ce qui subsiste d'économiquement rentable dans le secteur
privé, et enfler encore des États déjà monstrueusement obèses. Au début du
XXème siècle, la part des dépenses publiques dans les PIB représentait à peine
10%. Et pourtant, l'Europe avait connu une croissance continue, et les
investissements publics n'avaient jamais été aussi importants, ni aussi
générateurs de progrès et de bien-être. En un siècle, deux guerres mondiales et
des années de keynésianisme ont fait exploser la part de l'État dans le PIB:
elle dépasse aujourd'hui en Europe 60% dans la plupart des pays. Et Krugman ne
propose rien d'autre que de détruire les 40% de liberté qui nous reste, pour
faire de l'Europe un gigantesque goulag. Keynes n'écrivait-il pas lui-même dans
la préface de la version allemande de sa "Théorie Générale", publiée
sous Hitler, que sa "théorie" état plus facilement applicable dans un
État totalitaire. Voilà peut-être la seule vérité dans toute les divagations du
maître à penser de Monsieur Krugman, Nobel de pacotille.
En écho à cet article, voici deux illustrations trouvées dans l'actualité récente.
RépondreSupprimerL'une relate le succès économique d'une grande ville américaine qui a éviter la surchauffe immobilière en tirant les leçons du passé.
L'autre nous indique qu'une grosse bulle est en phase de gonflage aux portes de l'Europe.
http://finance.yahoo.com/news/houston-unstoppable-why-texas-juggernaut-125536748.html
http://www.nytimes.com/2013/06/06/world/europe/financial-fears-as-street-unrest-shakes-turkey.html?pagewanted=all&_r=0