vendredi 20 août 2021

Changer le nom d’un parti : tout un programme ?

 

Le président du Mouvement « Réformateur » songe à modifier l’appellation de son parti politique. Souhaitons-lui de profiter de cette opportunité pour s’attaquer à ces milliers de chantiers à l’abandon, et au mal qui ronge la société belge: l’irresponsabilité.

 

Je lui ai envoyé un mot d’encouragement, et quelques suggestions.

 

Bonjour, Monsieur Bouchez,

 

La presse nous apprend («La Libre» du 18 août) que vous envisagiez de «rebaptiser» le Mouvement Réformateur que vous présidez.

 

Effectivement, un «mouvement» qui n’a rien fait bouger et un parti «réformateur» dont on peinerait à nommer les réformes a un grand besoin de changer de nom.

 

Mais un changement d’étiquette ne modifie pas le contenu. Témoin le Congo, rebaptisé Zaïre et redevenu Congo, et où les citoyens sont plus pauvres aujourd’hui qu’ils ne l’étaient en 1960.

 

Plus sérieusement, la Belgique, si elle veut avoir une chance de fêter son bicentenaire, a un urgent besoin de vraies réformes. De celles qui nécessitent de l’intelligence pour les envisager, du courage pour les appliquer, du charisme pour les proposer à la population, de la combativité pour défier les partis qui profitent du déclin, et une honnêteté manifeste pour obtenir la confiance et l’assentiment des citoyens.

 

Des centaines de réformes, toutes plus douloureuses les unes que les autres, sont devenues, après des années d’inaction, une question de survie, dans un pays en soins palliatifs.

 

Je n’en ferai pas la liste, et je n’en évoquerai que quatre, afin de donner la mesure de l’ampleur de la tâche, et de la férocité des résistances auxquelles il faut s’attendre de la part des bénéficiaires du pourrissement actuel.

 

1) La première est l’application du code du travail général aux fonctionnaires, et la privatisation de tous les secteurs qui ne ressortent pas de la responsabilité régalienne. Actuellement règne dans l’administration une irresponsabilité générale qui tourne parfois à la bouffonnerie. La revue très respectée «The Economist», dans un article consacré à notre pays, titré «Pourquoi la Belgique est si bizarre» («Why Belgium is so odd», 26 juin 2021), nous qualifiait de «pays quantique». Ce que la revue définissait comme un pays dans lequel les fonctionnaires pouvaient prendre, au même moment, deux décisions contradictoires. Cela m’est arrivé tellement de fois que j’ai renoncé à compter. Et cela est sûrement arrivé à tous les citoyens de ce pays, à de multiples reprises.

 

Etant inamovibles (donc irresponsables), anonymes (ils refusent généralement de donner leur nom), ils donnent l’impression aux citoyens de traiter avec une masse informe et incohérente, une «force obscure». Avec, de plus, la principale caractéristique de tout belge, pointée par «The Economist», le je-m’en-foutisme («carelessness»), exacerbé par l’anonymat et l’inamovibilité.

 

2) Le deuxième exemple de réforme est le financement des partis politiques. Actuellement, les partis sont financés par le nombre de voix obtenus aux élections. Bien avantageux lorsque le vote est obligatoire. Ce «droit obligatoire», invention bien belge, comme le lapsus d’un journaliste l’a désigné - mais était-ce un lapsus?).

 

Ce genre de financement encourage à exiger toujours plus, particulièrement lorsque l’offre politique est fragmentée. Comme l’a bien démontré Hayek, ceci a abouti à une «démocratie illimitée». Système pervers où l’alternance (pourtant essence et «conditio sine qua non» de la démocratie) a disparu, et où une majorité, qui exige toujours plus, vit aux crochets d’une minorité qui se rétrécit (par l’exil professionnel, l’optimisation fiscale, ou, tout simplement, le renoncement au combat économique, à l’innovation, au risque et à l’investissement).

 

Dans le classement des démocraties de « The Economist », encore lui, la Belgique est tombée dans la catégorie des « démocraties défaillantes ». Non sans raison.

 

Pour revenir à une vraie démocratie, il faudrait - et il suffirait - que les partis politiques soient financés par une pourcentage fixe des impôts, suivant l’exemple du financement des cultes en Allemagne. Cette part concernerait exclusivement celui des personnes physiques, les «sociétés» et autres constructions fictives n’ayant pas à influencer la vie politique comme elles le font dans le système américain pourri par ces déviances. Le citoyen désignerait dans sa déclaration le (ou les) parti(s) à qui irait sa contribution. Le pourcentage serait fixe, mais son montant fixé entre un minimum (tout le monde doit participer) et un plafond (personne ne peut se prévaloir d’une participation trop importante). Le principe du « one man, one vote », qui nous a mené au « free for all », serait ainsi rectifié par un poids plus important donné aux représentants de ceux qui auront à payer la note d’un libre-service pour tous.

 

3) Le troisième exemple de réformes est la suppression de l’interprétation abusive du code des impôts qui déduit le montant «exonéré» non pas du total des revenus de chacun avant d’appliquer les différents taux d’imposition par tranche, mais qui applique cette «exonération» à la première tranche, rétrécie comme peau de chagrin. Ceci peut apparaître anodin, mais, appliqué à des millions de contribuables, cette méthode réduit massivement le pouvoir d’achat des citoyens les plus modestes et détruit la classe moyenne. Elle aboutit à prélever très rapidement, dès un revenu modeste (autour de 3.000€ bruts mensuels), 50 cents sur chaque euro supplémentaire, ce qui décourage l’effort. Aucun pays, à ma connaissance ne pratique ce subterfuge.

 

Tant qu’à faire, la véritable réforme serait l’instauration d’un impôt à taux unique, sur les revenus dépassant un certain montant. D’autres l’ont fait. Pourquoi pas la Belgique, si elle «réforme» vraiment?

 

4) Enfin, parce que j’habite (encore) Bruxelles, je mentionnerais une quatrième réforme vitale: supprimer la fiction des 19 communes, du «parlottement» bruxellois et du «gouvernement» de la Région. Toutes les capitales d’Etats «fédéraux» (Vienne, Berlin, Washington, La Haye...) ont un seul maire, rémunéré entre 200 mille et 250 mille euros annuels. Pourquoi les Bruxellois doivent-ils consacrer 2 millions par an aux salaires des seuls bourgmestres pour un émiettement dont ils ont à souffrir tous les jours? J’ai été confronté avec quelques-uns de ces bourgmestres. Il n’est pas certain qu’un seul d’entre eux - MR ou autre - soit du calibre du maire de Berlin ou de celui de Vienne...

 

Cette réforme permettrait à Bruxelles d’acquérir un véritable statut, de résister et même, pourquoi pas, de desserrer l’étranglement progressif exercé par l’une des autres Régions, et de renégocier avec les institutions européennes. Renégociation urgente, et demandant un poids que personne n’a pour le moment. Le but serait d’arriver à la situation aux Etats-Unis: les fonctionnaires fédéraux américains paient leurs impôts comme tout citoyen, et l’Etat fédéral (les 50 Etats, pas les seuls deux Etats voisins... ) couvre 40% du budget de la capitale.

 

Voilà donc quatre réformes, parmi des centaines. Elles sont vitales. Mais comme le statu quo est plus vital encore pour ceux qui profitent du délabrement de nos institutions et de l’irresponsabilité générale (le «carelessness» de «The Economist»), rien ne changera.

 

La Belgique fut libérale. C’est à cette époque qu’elle fut aussi l’une des « grandes puissances » de la planète. Le pays a aussi été pionnier dans la construction européenne, dont l’unique objectif était «d’améliorer le niveau de vie et d’emploi» des peuples européens. Pour les six pays «fondateurs», c’est un lamentable échec: depuis 1990, la part des « Six » dans le PIB mondial a chuté de plus de 20% à 10% à peine. La chute du niveau de vie a suivi, et la fuite en avant par l’élargissement ne dissimule plus la réalité.

 

Les quatre réformes évoquées ne sont donc qu’une paille dans la liste des chantiers en friche, au niveau local, régional, national et européen.

 

Mais on peut toujours espérer qu’un jour, peut-être, quelqu’un se mettra en mouvement et nous rendra notre «Liberté Chérie», qu’au fil des «réformes» manquées une «force obscure» et quantique nous a dérobée.

 

Cordialement,

Charles-Louis De Smet

lundi 6 août 2018

Is Europe just a Molenbeek in the making?


Julius Caesar famously said that Gaul was divided into three parts, for a territory covering then most of France and Belgium today. Were he to visit us in our century, Caesar would find that even flyspecks are now divided into an infinite number of fiefdoms. The fake "capital" of Europe is one example. It has not one mayor, like Washington DC, Berlin, Vienna, or The Hague. It has not two, nor ten: it has no less than nineteen mayors, all complete with "Cabinet Directors", if not even "Chiefs of Protocol" or "Directors of Foreign Relations".

They all play would-be international statesmen, without any of the qualities which the job would require. They all "twin" their decrepit boroughs with exotic places, preferably with sunny beaches, five-stars hotels and easy flight connections. Nineteen potentates of micro-communes are thus busy touring the world as if they had anything to say, and as if anyone would take them seriously. Indeed, in the waiting room of the mayors of Senegal or Rwanda, one can be sure to meet one of the 19 Brussels' mayors, twiddling his thumbs, while one of his many compadres vainly tries to be taken seriously by his African "twin".

While their 19 mayors make themselves pathetic buffoons on the world stage, the inhabitants of Brussels have plunged far into Dante's hell. It is today more anarchic than a Brazilian favela, poorer than a Congolese shantytown, dirtier than a Cairo dump, and more dangerous than the gangsters' fiefdoms of Ciudad Juarez. Its infrastructure is literally crumbling down. Nightlife has vanished. Reputed restaurants close their doors one after the other, letting smelly Turkish, African or Arab fast food joints occupy the space. It is not a "hellhole", like President Trump recently said: it is Hell itself.

Not that 19 mayors of the 19 boroughs of Hell come for the price of one. For their combined salaries only, they siphon off together 2 million euros a year, for a job that the single mayors of The Hague, Vienna or Berlin do far better, and for a quarter of a million. The manna of 2 million a year is only for the mayors themselves. Besides their "chiefs of protocol", they also entertain one thousand counsellors ("échevins"). Naturally, the entire circus needs to be coiffed by a "parliament", a "government", a "federation", and a multitude of institutions created for the sole purpose of draining their victims' wallets. New York, for its 8 million inhabitants, has 150 counsellors. If the officials of the Big Apple would be as predatory and corrupted as the ones in Brussels, and if we kept the proportion (Brussels has 1,1 million), the New Yorkers would have to fork out the salaries and assorted perks of ... eight thousand counsellors! The municipal meetings could not even be held in the Radio City Music Hall, too small for the venue!

Theft is not limited to salaries. The Brussels water company is nothing but a fat cash-cow for the public purse (and for the private purses of party stalwarts). It needs 100 "directors", all without any competences in engineering, management, accounting, or even law. By comparison, Washington Water has 10 directors, all with degrees or experience in matters closely related with water distribution. Needless to say, Belgian incompetence and corruption translates into poor service and predatory prices: water can cost more than three times the Washington price, and Brussels delivers only a third of the volume of its DC counterpart; for a similar number of connections. Brussels extortions and contortions are all in the name of a fake "social" justice: an Arab family of four will pay less than its single neighbour: the Company has invented "personal quotas" and "solidarity tariffs".

The problem begins thus with the piling up of "elected" officials. In reality, in the absurd country that Belgium has morphed into, "elected" means "co-opted by party-comrades" to occupy fancy but useless jobs in public or semi-public outfits, and extract from the public more than what the public can afford. The beneficiaries do not even attempt to hide their theft. The mayor of "Brussels-central" gave himself and his paramour salaries bigger than the one allocated to the President of the United States. For each one of the pair. And for "managing" an assistance programme to the poor, invented by them, and duplicating existing institutions in each of the 19 fiefdoms.

Elections do not serve any more purpose than a Venetian mask: pretty, even showy, but useless, and thrown in the garbage after the carnival. For the last ten years, the spoils did not go to the winners, but to the losers. With 589 days (a world record!) without government after elections in 2010, an agreement was finally concluded by the parties who had ... lost the largest number of voters.

Elections we have nonetheless. Voting is even ... mandatory. With a "logical" consequence. "Logical" meaning "absurd" in Belgian politics, the penalty is... the withdrawal of the right to vote! Voting is thus not a right, but an obligation, under the penalty of law and the threat of sanctions. The country has invented what an indigenous journalist has termed, admirably, and without realizing the absurdity of his statement: "the mandatory right to vote"!

This sets the scene for the next disaster, extending far beyond Belgium: the mutation of the entire city into a giant Molenbeek. The next "communes" contaminated by the pest cultivated in Molenbeek will be, in all probability, the ones adjacent to the commune. Molenbeek is now known the world over for the pandemics of Islam (radical or not), huge unemployment (up to 60% amongst young "Belgians" of foreign origins, mostly from failed states), dismal educational scores in international rankings, and crime (organised or not). In reality, Molenbeek has left Belgium long ago, in the sense that it feels more like Ramallah than Bruges. It "celebrates" Islamist massacres as victories over the miscreants, and terrorists as "freedom fighters". Cars are burned in the streets and shops looted, after each soccer match.

The current mayor has attempted to clean up the chaos left by her predecessor. She has received the support, and is under the supervision, of the federal government, a première in a discombobulated country. The previous mayor, a scheming socialist, had closed both eyes to the deliquescence while he stayed in power for several mandates. Not only was he looking the other way for electoral purposes, touring the mosques, courting the imams, offering useless public jobs to a cohort of Arabs without qualifications or even the desire to work. Most of the Molenbek terrorists who murdered and maimed innocent passers-by in Brussels, Paris, and other places, had received public "support" of one kind or another. "Social" housing, subsidized utilities, public sinecures in the administration, aid to the "creation of enterprises". The brother of three of authors of the Paris slaughters had a job in the "communal" bureaucracy. He later masterminded a hold-up of the same administration. The parents of that wonderful family lived in subsidized housing owned by the commune.

The former Molenbeekian mayor had allowed the peril to grow for lowly pecuniary motives: mayors' salaries are related to the number of inhabitants. Under that rule, invented by the beneficiaries themselves for their own profit, Molenbeek grew to become a favela of 100.000 people. After the world's spotlight revealed the commune as a nest of terrorism, Molenbeek is now supervised by the "federal" authorities. Under that supervision, the commune has ejected thousands of illegal residents. Naturally, an "order to leave the territory" may only mean that the persons concerned will seek refuges in their communities established in France or elsewhere. Many were "registering" only to extract from Belgium various social perks, while living in what all Moslems call "their country". They soon will reappear, and claim resources in another European country.

Kicking an anthill does not suffice. The result is even worse than the situation before the kick. After a wave of "controls" in Molenbeek, the surrounding communes have seen their Arab population surge rapidly. With the consequences one could have expected. Replacement of grocery stores by "halal" franchises, controlled (and taxed) by the imams, is only one aspect. Shops which still flourished not long ago, but are not part of the Moslem way of life, have totally disappeared. Not long ago, in my immediate surroundings, I had access to no less than six newspapers stores. The last one of the six has closed, after an attack (with an hammer...) of the owner. The attackers were, according to the language now mandatory, young from milieus "défavorisés" or "difficult".

Bakeries, clothes' shops, interior decorators, dry cleaners have all closed, and so have restaurants and flower shops, leaving in their wake fruit stalls, or decaying buildings and boarded façades. To mask the misery, public funding (the last cents extorted by the impoverished taxpayers who have not yet fled) have been lavished on the creation of enterprises by the new population. Needless to say, bureaucrats choosing the beneficiaries of their largesse are less attentive to the use of taxpayer's money than to the exact duration of their union-negotiated coffee pause. In 2011, in Liège, a decaying socialist slum in eastern Belgium, a lone killer gunned down 7 innocent passers-by and wounded more than 100 persons on a Christmas market. All that carnage was made possible by automatic weapons and grenades acquired with public funds obtained for "enterprise-creation". The terrorist's other occupation, a quasi professional production of marijuana, was also made possible by public funding reserved for entrepreneurs from milieus "défavorisés".

If the money wasted on "enterprise creation" remains modest, the growing expenses to offer "free" education is far more substantial. "Communes" surrounding the powder keg of Molenbeek have been forced to extort ever more money from aging retirees to pay for frenetically erecting schools in every available corner of their territory. There are hardly any children of Belgian extraction, culture or language(s) in these new schools (and in the old ones). The Belgians who are still young enough to have children have to pay twice. First, to educate Africans in third-world schools, for which taxes are extorted. And second, to plead with the last remaining private schools, to have their own children admitted in the few surviving enclaves of European education.

The pressure wil continue to mount until the Apocalypse. After shops and schools, the new population uses all means to push existing residents out of their home. All houses put on the market are bought by Arabs. But the market (and the exasperating longevity of the true Belgians) does not respond fast enough to the pressure of invaders. Life-expectancy on one side collides with fertility on the other. Intimidation, and even force, must accelerate the "cleaning" process.

After complaining of an Arab child banging for hours on my wall with a football, his parents did not teach him the civilised manners of the Occident, but the brutal customs of the uneducated Maghreb. His mother encouraged him to hit more and more, screamed and yelled that it was her country as well as mine (a common mantra of newcomers from Africa) and his father shouted threateningly that he will buy my "barrack", when I sell it, out of despair and fear.

"Small brooks make great rivers", as the saying goes. In Flemish, a "brook" is a "beek". Once joined, all the Molenbeeks in Brussels will make "rivers of blood", to use the title of a famous - and prescient- 1968 speech by Enoch Powell. In the middle of the carnage, politicians do not care: as long as they can loot the Belgians, and delay for another election the day of reckoning, the politicians will divide the spoils, regardless of voters' opinions and anger.

Before drafting his project of Constitution, James Madison carefully studied all major constitutional arrangements, in the Antiquity or in force at the time of his analysis. Amongst all of the fundamental laws he reviewed, he choose what was then called "The Etats-Belgique" as a counter-example. The Treaty governing the "Etats-belgique" at that time was exactly what was to be avoided. And that is why the US Constitution is still alive today, and Belgium is a failed state. Thomas Jefferson famously condemned Belgium to failure even before it was invented as an "Etat-tampon" by the British, who were eager, after Waterloo, to avoid all further Napoleonic pilfering, murder and destructions. Jefferson correctly identified the cause of the Belgian failure: he wrote that the various components of the "Etats-Belgique" will never vote in the general interest of the whole. In fact, in Belgium, there is no "whole".

And that is why the country is an interesting testing ground for a complete renewal, redirecting, and reconstructing of Europe. The continent has erred far from its single objective of its founding in 1957 ("the constant improvement of the living and working conditions of their peoples"). The comparison with most countries in Asia, South America, and, of course, the United States, shows the slow decay of these "living and working" conditions since the turn of the century. And, to hide the disaster, the officials and politicians have chosen the usual tactics: divert the attention from their failures. They have imposed an objective totally absent from the Treaty creating European institutions. They now extend their mandates not to "their" peoples, but to "all" peoples, welcoming massively the victims of other failed states. It is far easier to treat the symptoms (immigration) than to resolve once and for all the causes (corruption, incompetence, autocracy, etc..) in the countries of origin. Just as it was easier for the Roman Emperors in the fourth century AD to surrender to the barbarians, and to allow then into the Empire than to fight the invaders, or extend the rule of law to the barbarian territories.

Answers found to revert the decay and decomposition of Europe, and its flooding by uncontrollable and growing waves of migrants may come too late, and find no proper structures to implement them. Failing an answer, specks with flimsy historical claims to self-determination will push to hasten the destruction. Catalonia, Scotland and, of course, the Flanders are all candidates to give a try at "independence". A bit like Icarus, trying to fly too high, too close to the sun, just to see his wings melt, and crash into the sea.

Answers and solutions will not be local, or national, but collective. Unfortunately, Europe does not rise to the challenge. Perhaps eurocrats are too busy issuing rules on the curves of bananas or pocketing fines on monopolies, real and imagined. Or perhaps are they mesmerized by the tsunami threatening to destroy Europe and its civilization.

Unfortunately, reasons to hope are few. Europe is a cacophony, compared with the force of persuasion (or the threats) of the United States, China, or Russia. In a foreign country, the voice of America, through a single ambassador, or a presidential morning tweet from Washington, will be heard, loud and clear. The voices of 28 ambassadors, or ministers, or even presidents, contradicting each other and the bureaucratic Hydra of Brussels, make Europe totally powerless, ridiculous, and irrelevant.

Europe has always been weak, spineless and even cowardly. In Jefferson's time, the gang chiefs of what was then known as "The Barbary coast" (Algeria, Libya, Morocco, Tunisia) had two sources of revenue. The first was piracy. They captured merchant vessels, demanded ransoms, and, if not paid, sold crews and passengers as slaves. The second source was the amounts paid on a regular basis by the weak states of Europe, to obtain "free" passage, and avoid capture, a sort of "flat ransom". Jefferson would have none of it. Despite his aversion for "standing armies", he created the first "Navy", and sent the ships with the mission to blast the pirates' nests (Tripoli, Algiers, etc) out of existence. Piracy and extortion ceased.

Where is that courage today? Where is the European Jefferson? And how long will the Europeans pay the price for the cowardice of their governments and the paralysis of Europe, in the face of a mortal threat?


dimanche 3 avril 2016

Bruxelles: liquidation avant faillite


Charles Picqué, « Ministre-Président » de la Région-Poubelle de Bruxelles, et ce depuis la création du monde, était ce dimanche 3 avril, l’« invité » de l’émission du même nom de RTL-TVI. Il y ressassait les vieilles recettes des régimes socialistes et totalitaires : « il faut investir dans la police et dans la justice ».

Pour cet exemple parfait d’apparatchik, qui, avec ses complices, a ruiné Bruxelles, « investir » ne signifie plus qu’une chose: «augmenter les dépenses publiques». Il est totalement incapable de réaliser que ces prétendus « investissements » ne seront donc que des ponctions supplémentaires sur les revenus des citoyens, et donc sur les dépenses de ceux-ci. Mécaniquement, mathématiquement, une hausse des dépenses publiques récurrentes entraîne une baisse des revenus disponibles de la population.

Le choix est donc entre dépenses publiques, ou consommation privée. Picqué a choisi : plus de fonctionnaires pour un niveau de vie plus bas. Et ceux qui s’opposent à cette nouvelle razzia sont d’abominables « néo-libéraux ».

Picqué est manifestement incapable d’admettre ce qui est pourtant une aveuglante évidence : ces mesures de sécurité ne seraient aucunement nécessaires si Picqué lui-même et ses complices n’avaient pas bradé la nationalité belge, en en faisant cadeau à tous ceux qui, par pur hasard, sont nés en Belgique.

Avec tous les effets pervers que cela implique: des efforts financiers et des moyens humains considérables dépensés en pure perte pour « intégrer » des populations qui continuent à parler leurs langues, suivre leurs coutumes, pratiquer leurs religions, marier leurs compatriotes, rejeter la culture occidentale: en bref, manger, se vêtir, prier, parler, étudier, s’unir et se reproduire comme s’ils n’avaient jamais quitté le pays de leurs parents et de leurs grands-parents.

Ces attitudes communautaristes ne sont pas sans conséquence pour les autres belges : ils voient leur nationalité rabaissée au plus petit commun dénominateur : celui des quartiers dits « défavorisés » (en réalité très favorisés par l’impuissance publique !). Le même média qui accueillait Picqué ce dimanche pour lui permettre de chanter ses propres louanges venait de s’offusquer que les citoyens belges - tous les belges - faisaient aujourd’hui l’objet de contrôles particuliers lorsqu’ils se rendaient aux Etats-Unis. Ainsi de braves gens, belges depuis toujours, étaient fouillés, épiés, suivis, contrôlés, de manière plus assidue et plus intrusive, par les autorités américaines.

Malgré cela, il est permis de douter que Picqué et ses semblables reconnaîtront enfin que les politiques aveugles et suicidaires qu’ils ont collectivement menées depuis 40 ans, nous ont menés au désastre actuel. Sans ces populations « néo-belges », les autochtones seraient-ils devenus, à l’étranger, source de méfiance et de peur (quand ne s’y ajoutent pas les moqueries!), alors qu’ils sont, chez eux, les premières victimes de ces politiques absurdes?

D’autant plus absurdes que, même si Picqué et ses acolytes confisquaient 100% des revenus des belges pour les dépenser en salaires de policiers, de juges, etc., la Belgique resterait un pays dangereux et divisé. Ce qu’il faut, c’est éliminer la cause de l’insécurité, le terreau dans lequel les obscurantismes religieux et les extrémistes croissent, se multiplient, s’associent, se recrutent, se forment, se financent, et prospèrent. Même si cela implique de priver de ressources les populations qui votent socialistes, et vivent d’emplois fictifs dans le travail « social », le logement « social », l’ « intégration », la « formation », le «dialogue culturel», l’ « associatif », bref : liquider des centaines de milliers d’emplois publics et inutiles.

Ce qu’il faut, c’est donc moins d’Etat, pas plus d’Etat.

Et revenir à la distinction fondamentale entre « nationalité » et « résidence » : ce n’est pas parce que l’on est né dans un bar que l’on devient propriétaire du bistrot, ni même que le cafetier doit vous donner un salaire, une éducation ou des allocations...

Quant aux populations d’origine étrangère déjà sur place, et que le laxisme et l’aveuglement (ou la cupidité et l’inertie des politiques), au cours de ces quarante dernières années (la durée de la carrière d’apparatchik de Picqué) a autorisé à découper des quartiers entiers dans nos villes, pour y reconstituer des modes de vie étrangers, des solutions peuvent être trouvées, à la fois pour ceux qui n’ont pas la nationalité belge, et pour ceux qui cumulent cette nationalité avec celle de leurs parents.

Peut-être une réplique - en sens inverse - d’une politique suivie par l’Irlande, qui désirait « récupérer » dans ses statistiques tous ces émigrants qui avaient fui le pays en raison de famines, de guerre civile ou de chômage. L’Irlande accorde ainsi la nationalité irlandaise (et donc par ricochet la qualité de « citoyen européen ») à tous ceux qui ont un grand-parent né irlandais. Le pays n’a que 5 millions de citoyens « résidents », mais peut se targuer de plusieurs dizaines de millions de citoyens résidant aux Etats-Unis et qui ont un ancêtre irlandais. L’Allemagne a également « récupéré » ainsi des russes d’origine allemande. La Commission Européenne n’a rien trouvé à redire à ces pratiques. Que pourrait-on objecter à la Belgique si elle se l’appliquait à elle-même, et décrétait que seules les personnes qui ont deux grands-parents belges sont éligibles à la nationalité ?

Que tous ceux qui s’insurgeraient contre une telle mesure de bon sens, qui corrigerait pourtant le laxisme du passé, expliquent en quoi continuer à attribuer la nationalité à tout nouveau venu entraînerait une plus grande cohésion, et une plus grande prévisibilité des comportements, qui sont pourtant absolument indispensables si nous voulons continuer à vivre dans une « société ouverte », pour utiliser la formule de Karl Popper.

Pour l’instant, et si les politiques actuelles sont poursuivies, la seule chose prévisible est une décomposition de la société, plus de pillage par l’Etat sous prétexte de colmater les brèches qu’il a lui-même créées, plus d’insécurité, plus de policiers, et plus de terreur.

lundi 28 mars 2016

Molenbeek, the new Kabul?



On March 27th, the Boston Globe asked the question "why there are Muslim ghettos in Belgium, but not in the US?".

https://www.bostonglobe.com/opinion/columns/2016/03/27/why-there-are-muslim-ghettoes-belgium-but-not-united-states/zek1CSRR0epWhLmSCiPWKK/story.html

True, the whole world is pointing a finger at Belgium, a "breeding ground for Islamist extremists". Admittedly, it is not an easy task to squeeze into fifty lines a broad and comprehensive analysis of that evil's roots. But the article does not even attempt to name the roots.

One can hardly disagree on the first part of the assessment. Yes, some of Brussels' inner "quartiers" have indeed left Belgium, to become dreadful and dangerous places, where occupants make native Belgians understand that they are not welcome in their own country.

Even though the problem is discovered today, it is not today's problem. The new Molenbeek's mayor has inherited a situation created by her predecessor, an old-fashioned and pedantic socialist, who based his rule on buying support with generous distribution of fake jobs, public lodgings, subsidies to "cultural" associations, and courting of muslim preachers. All of the terrorists responsible for the blind and savage attacks were funded with tax money. Abdeslam and his kamikaze-brother lived in a council house (and his family still lives there). Others have been given fake jobs in "associations" (vectors of radicalisation), or even in public "services". One of the Abdeslam brothers even "worked" in the "integration" unit of the Molenbeek's city hall. Four months later, when Abdeslam was finally discovered 400 yards from his domicile, it was in another public housing. Other terrorists have been receiving generous support to launch an enterprise: it is the case of another killer, Amrani, who shot several people dead in a Christmas market in Liège. His weapons had been funded with that generous "entrepreneurial credit", the city officials being too lazy or too scared to control the use of public money. Others, like the killer of Jewish children in Toulouse, had sham job-training funded with taxes.

Public extortions are often hidden in complex schemes, as Belgium has reached the world's highest rate of income taxes (the predatory rate of 50% starts as low as 3.000$ per month!). Public companies, such as utilities, have "solidarity rates", intended to subsidize consumption by large families (more often than not, prolific muslims) while taxing heavily the singles (usually retired and native). A family from Kabul with 5 children receive a first "ration" of 8 gallons a day at a symbolic, below-cost, 3$/Ccf. A retired Belgian, with modest resources, will pay more than ten times that price: 30$/Ccf above an administratively-fixed daily ration of 40 gallons. This racket (called "redistribution" in socialist-speak) is not without benefits for the politically-connected thieves: Brussels' mayor presides the water distribution company. That company feeds 100 directors, all incompetent, all political accomplices. By contrast, the water company in the District of Columbia has 10 directors, and charges a uniform tariff of 2,80$ per Ccf. The Abdeslam family, no doubt, has not de-registered his terrorist sons, and continues to benefit from those subsidized rations and "redistributive" rates.

This perversion, and many others, shows how fiscal racketeering finances policies that have made idleness, clientelism (and its corollary, electoral blackmail), and auto-segregation possible. With the expected results: rapid descent of education into Third-World standards, obscurantism, self-victimization, affirmative action (to the detriment of natives) and, ultimately, religious fundamentalism. Yes, Belgium is a "hell-hole", as Mr Trump says. But it is Belgian politicians who have made it so.

Belgium is a non-functioning state. Push and pull, by right-wing independence-claimers on one side, and unreformed communist collectivists on the other, led both sides to tear the country apart, while building piles upon piles of "common" institutions (pompously labelled "federal"), pretending to bridge the widening chasm. After six so-called "state reforms", today's Belgium is nothing but an institutional bric-a-brac. Not unlike what it was when Madison and Jefferson took it as a counter-example, when designing the U.S. constitution. Then, as now, Belgium (the "Belgic states" at the time of the founding fathers) was everything a state should not be. It is not even a state. But, forced to maintain a fiction, it is more rapacious and more inefficient than any state.

And that explain why the new mayor of Molenbeek, quoted in your article, pretended that is was not her job to track possible terrorists, even though she received from the anti-terror brigade a list of potential muslim terror suspects, before the Paris massacres. It might be true that she had no authority or legal basis to arrest or even control the movements of these suspects. But the real question should then be asked upstream: what is then the use of such a warning, and who is in charge?

And that leads to a second reason for the decay of a state at the heart of Europe: the universal rejection of responsibilities. It would be very hard to find in this country anybody, anywhere, who takes responsibility for anything. In Belgium, "the buck stops... nowhere!") This has very perverse effects: in a society where everybody rejects the responsibility on someone else, improvements are impossible. Worse, the system tends to promote incompetent people, until they are discarded, and replaced by people still less competent. The previous CEO of the largest power utility (state-owned...) is now managing a fast-food joint. Probably her true level of competence.

The article reverts to a comparison between muslim behaviour in America, and their radicalisation in areas such as Brussels. The figures used are not proving anything. They are even rather supporting the opposite position.

The surprise in the first question ("Why hasn't America become a hotbed of Islamic extremism?") is based on two figures: Belgium has 650.000 muslims, while America is said to have "five times as many". Doesn't the relation between the size of the overall population count for something? The Belgian population being 11 millions, the muslims represent more than 6% of the total. The US population being 320 millions, the muslims are hardly more than 1%. Proportionately, Belgium has to cope with six times more muslims than the US, not five times less!

Nevertheless, the fact that "America's melting pot still works" is not in doubt. But if America is still "melting" newcomers, isn't it entirely due to the fact that the state does not splash public money on "integration", unlike Molenbeek and other muslim enclaves have been doing? "Free" health-care, public jobs, "free" schooling, council housing, lavish subsidies to "cultural associations", children allocations, are not exactly American "values". In Molenbeek, they are the rules. With the result that it is not newcomers who are "melting", but the state itself...

So the article can proclaim that, for the moment, the process of "Americanisation" keeps America safe. But if, until now, "patriotic assimilation turns profoundly dissimilar foreigners into proud and happy Americans", there is no guarantee that, when the US will have the same proportion of muslims as Belgium (6%, or ... 20 millions instead of 3 millions), the melting-pot will still work.

To conclude, if the article does downplay the impact of muslim terrorism in America, it forgets to mention the most horrific terror crime of all, on the 11th of September 2001. The number of victims of that infamy, added to the most recent terror attacks on US soil, still outweighs the total of victims in Europe. And the perpetrators of the most recent massacre, in San Bernardino, were given public jobs and were "Americanized". As for me, I lived for years in the US, kept my own identity and nationality, and never traded for the American citizenship. Even though I never "melted", I felt very much at home. Which is not, as a Belgian, how I feel in Molenbeek.

mardi 4 août 2015

Le prix de l’égalitarisme


 Une cohorte d’économistes néo-marxistes monopolise aujourd’hui la scène médiatique, pour se faire les défenseurs d’une société plus «sociale», où le mot «social» est devenu le nom de code pour une intervention de plus en plus grande de l’État dans la vie économique, et même dans la vie tout court. Cette intervention est faite d’un faisceau croissant de contraintes et d’interdictions, et d’une spoliation grandissante au profit de l’État lui-même, c’est-à-dire, en réalité, des politiciens et des fonctionnaires qui prétendent incarner un État qui n’est au mieux qu’une convention, au pire une fiction.

Parmi la cohorte de ces nouveaux apôtres de l’intervention et de la prédation publiques, parfois couronnés de succès populaire ou de titres Nobels, figurent au premier plan des Krugman, Sachs, Piketty ou Stiglitz. Ils ont tous quelque chose en commun: ils dénoncent les inégalités, qu’ils voient croissantes, pour justifier une spoliation, elle aussi croissante, par les détenteurs du pouvoir politique.

Parmi ces quatre mousquetaires de la spoliation, il en est un qui a tenté d’aller plus loin dans le détail de recettes pour rétablir l’ «égalité». Il s’agit de Joseph Stiglitz qui, dans son livre «Le Prix de l’inégalité» (Actes-sud, 2012), sur pas moins de vingt pages (de la page 363 à la page 384), propose une liste de courses des réformes, qui se termine par rien moins qu'un "nouveau pacte social".

Sur cette dénomination de «pacte social», déjà, l’on sait depuis Hayek, que «social» ne veut rien dire, et qu’il s’agit même là d’un terme que l’on utilise lorsque l’on n’a strictement rien à dire. Ce qualificatif, accolé à un autre mot, peut même en pervertir le sens. Ainsi «justice sociale» permet toutes les spoliations, tous les arbitraires, donc toutes les injustices. Quant à la qualification de «pacte», elle implique un accord formel et informé des parties. En réalité, ce pacte n’est approuvé par personne, mais est imposé à tous par l’autorité qui se charge également de son application, par la contrainte et la violence si nécessaire.

Dans ce fatras de «pacte social», qui n’est donc ni «pacte», ni «social», on trouve pêle-mêle des évidences, des utopies, et des remèdes suicidaires.

La première des recettes propose de "juguler le secteur financier" (page 364). Il est permis de se demander pourquoi les institutions publiques mises en place bien longtemps avant la crise, et qui étaient chargées de surveiller ce secteur, et de le sanctionner en cas d'infraction, n'ont pas rempli leur fonction. Peut-être serait-ce simplement parce que cela arrangeait le monde politique de voir des secteurs se développer (tour à tour l'immobilier, la technologie de l'information, etc..;) au-delà de ce qui était soutenable à long terme, et sans que d'autres secteurs ne se contractent par ailleurs. Tout cela était alimenté par une politique monétaire complaisante de la banque centrale, qui était aussi souvent, simultanément, l'autorité de supervision.

Soit l'on se limite, comme Stiglitz, à affirmer que les banques ne peuvent pas "créer des ressources à partir de rien" (vrai, mais réducteur), soit le rôle des banques est de transformer une épargne (généralement à court terme) en investissements (nécessitant généralement des crédits à long terme).

Dans le premier cas, effectivement, les bulles sont inévitables, le prêteur en dernier ressort n'a plus de raison d'être, les autorités de supervision ne servent à rien et la banque centrale n'est plus qu'une imprimerie de billets. Il serait alors plus cohérent de créer un système à la soviétique, à banque unique et à crédit dirigé.

Dans le second cas, tout d'abord, les bulles sont limitées au goût des épargnants pour le risque. Parmi les investisseurs en bulbes de tulipes en Hollande, ceux qui étaient frustrés d'être en bout de chaîne au moment où l'hystérie est retombée, et qui se sont tournés vers les tribunaux pour dénoncer les contrats, ont été déboutés par la justice, les juges hollandais statuant que l’État n’avait pas à indemniser des spéculateurs malchanceux. Par contre, les bulles financières aux Etats-Unis n'ont été possibles que par l'intervention d'organismes publics, qui les ont même encouragées, n'y voyant qu'un moyen de "créer de l'emploi".

Dans le second cas, ensuite, le prêteur en dernier ressort est indispensable: il peut anticiper l'hystérie collective, en avertissant les banques que certaines catégories d'actifs ne seront pas éligibles à son refinancement, et en rendant public cet avertissement. Il peut imposer à une banque de provisionner ces actifs pour une plus grande proportion de leur montant, ou pour leur totalité. Dans ce cas, la banque centrale jouerait le rôle qui est le sien, c’est-à-dire prévenir et empêcher les bulles, alors que Stiglitz voudrait leur interdire ce rôle, et privilégier au contraire la "création" d'emplois, même si ceux-ci sont concentrés dans des secteurs très éphémères, comme, sans doute, les producteurs de tulipes.

Dans le second cas enfin, le secteur financier et la masse monétaire suivent la croissance réelle et ne la précèdent pas. Quel que soit le volume de l'injection monétaire, celle-ci n'a jamais créé un seul emploi productif.

Stiglitz écrit qu'il est impossible aux banques de créer des ressources à partir de rien. Il est alors illogique et contradictoire de proposer, quelques pages plus loin, "une politique monétaire - et des institutions monétaires - de maintien du plein emploi." Aucune banque centrale n'a jamais créé un seul emploi à partir de rien, et aucune n'en créera jamais.

Stiglitz s'attaque ensuite au manque de "transparence" des banques, et notamment à l'utilisation massive des "produits dérivés" (page 365). Mais ces produits se sont développés parce que les banques y voyaient un moyen de contourner les obligations auxquelles elles étaient soumises en matière de fonds propres. Sommairement, un milliard de prêts hypothécaires supplémentaires (par exemple) imposait à la banque un accroissement de son capital de 80 millions. Il lui suffisait de "titriser" (de créer un instrument financier représentant ces prêts et de le "vendre" à des investisseurs) pour réduire son portefeuille et donc la nécessité d'augmenter ses fonds propres, qui lui coûtent cher en dividendes. L'obligation de racheter ces "titres", ou la garantie offerte aux investisseurs, n'apparaissaient pas dans les bilans. Les banques n'étaient plus que des courtiers, et le risque crédit était dissimulé, selon l’expression consacrée, « hors bilan ».

Mais pourquoi les autorités de supervision n'ont-elles pas mis un terme à ces pratiques, alors qu'elles en avaient le pouvoir et qu'elles étaient parfaitement informées? Ne serait-ce pas parce que chacun y trouvait son compte, notamment parce que l'emploi, en particulier dans le secteur immobilier, continuait d'augmenter au-delà de ce qui était soutenable et justifiable?

Plus grave, aux Etats-Unis, les autorités ont encouragé et soutenu ces pratiques, d’abord en imposant des quotas de crédits aux classes défavorisées, puis fournissant, par l’intermédiaire d’institutions «quasi-publiques», à la fois le refinancement et une assurance partielle contre les défauts de paiement.

Parmi les autres "recettes" de Stiglitz, on trouve aussi des attaques contre les pratiques des banques en matière de cartes de crédit (page 365), et notamment les taux abusifs pratiqués, tant au détriment des consommateurs (taux d'intérêt) que des commerçants (commissions). Certes, mais, là aussi, les autorités avaient tout pouvoir pour mettre fin à ces pratiques, et sont pourtant restées passives. Pourquoi spolier la fête lorsque la consommation permet de poursuivre une croissance fictive, et maintenir l'emploi? Comment Stiglitz peut-il voir dans l’intervention de l’État la solution à tous les problèmes, alors qu’il admet lui-même que cet État n’a rien fait de ce qu’il pouvait – et devait – faire?

Pour faire table rase des dégâts causés par les politiques publiques, et relancer la machine à prêter, Stiglitz ne propose rien de moins que «d’inciter les banques, et peut-être les obliger, à restructurer les prêts hypothécaires» (pages 382-383). Fort bien, mais il faut être clair: «restructurer» signifie: prendre les pertes à leur charge. Et ici Stiglitz passe sous silence trois réalités:
1° les pertes résultent en grande partie de la contrainte de l'Etat de prêter à des débiteurs insolvables;
2° l'Etat a introduit une distorsion fiscale en faveur des propriétaires-emprunteurs au détriment des locataires (les intérêts hypothécaires sont déductibles fiscalement, alors que les loyers ne le sont pas);
3° l'Etat a soutenu artificiellement la bulle immobilière non seulement par une politique monétaire laxiste, mais aussi par le refinancement et la garantie de ces prêts à travers deux institutions quasi-étatiques alors (et étatiques aujourd'hui), "Fannie Mae" et "Freddie Mac".
Dans ces trois cas, la solution n’est pas dans une plus grande intervention de l’État, comme le préconise Stiglitz, mais, bien au contraire, dans une parfaite neutralité de cet État, et dans l’élimination de toutes les mesures prises, qui sont autant de distorsions.

Stiglitz ne donne aucune raison pour que seuls les prêteurs soient sanctionnés (alors qu'ils n'ont fait que répondre aux puissantes exhortations de l'administration désireuse de "redistribuer la richesse". Faut-il ajouter que les emprunteurs, une fois soulagés du poids de leurs dettes, pourraient parfaitement reprendre le cycle vicieux de l'endettement? Tant que l’Etat introduira des distorsions qui fausse les signaux du marché (solvabilité des emprunteurs, choix entre possession et location, politique monétaire laxiste, refinancements publics, supervision complaisante, etc...), les mêmes causes produiront les mêmes effets.

Une autre recette propose de "renforcer les lois sur la concurrence et mieux les faire respecter" (page 366). Ces lois existent, et elles n'ont pas été appliquées. Ou, si elles l'ont été, et si des mesures ont été prises, elle l'ont été au profit des Etats, et non des consommateurs, qui ont pourtant été les seules victimes des monopoles, duopoles, etc... Les exemples abondent d' "amendes" infligées aux monopoleurs, mais qui ont fini dans la poche des administrations. Que ce soit en matière de logiciel dominant, ou d'entente sur les prix entre producteurs, de tarifs abusifs en matière de téléphonie, ou dans tout autre domaine où les consommateurs ont payé des prix excessifs en raison d’ententes, l'abus a été constaté, mais les entreprises fautives n'ont pas été sommées de rembourser leurs victimes: elles ont été contraintes de payer l'Etat. Les consommateurs sont doublement victimes: la spoliation par l’État est devenue la règle.

La troisième des recettes veut "améliorer la gouvernance d'entreprise" (page 366), mais s'attaque à la mauvaise cible: le pouvoir des chefs d'entreprise. En réalité, Stiglitz ne semble pas avoir saisi le problème dans sa globalité. La fiction juridique de la société anonyme par actions, et son fonctionnement, doivent être revus intégralement. Le statut du PDG n'est qu'une infime partie du problème, même si une fraction des abus les plus visibles viennent de la confusion entre ce qui aurait dû rester un statut de salarié, et une personne rémunérée par des actions, donc un actionnaire. Rien n'empêchait les Etats de revoir de fond en comble le statut juridique des sociétés par actions, leur taxation (qui devrait être dans le chef de l'actionnaire, et non de la société) les modes de décision, et le pouvoir des actionnaires. A aucun moment les dérives n'ont été sanctionnées par des refontes des lois, alors que ce sont ces lois qui permettent à la fiction juridique des sociétés de survivre. Faut-il rappeler qu'il n'y a pas si longtemps, chaque société ne devait son existence qu'à une autorisation individuelle, une "charte", le plus souvent à durée limitée ?

La quatrième recette est, contrairement aux précédentes, tout-à-fait judicieuse: Stiglitz propose de "mettre fin aux cadeaux de l'État" aux entreprises (page 367). Qu'il s'agisse de subventions, exemptions, "aide sociale", etc... on ne peut qu'applaudir, et souhaiter que, sur ces quelques lignes, et ces lignes seulement, Stiglitz soit entendu...

Par contre, la liste des recommandations de Stiglitz en matière de fiscalité ne propose rien de moins que de détruire toute incitation au travail et à l'amélioration des conditions de vie: en d'autres mots, détruire cette liberté fondamentale pour chacun de "rechercher son bonheur", fondement même de l'Amérique, et raison de son attractivité pour les millions d'immigrants qui l'ont peuplé.

Stiglitz n'hésite d'ailleurs pas à proposer des solutions contradictoires et incompatibles. Il suggère d'une part un "impôt sérieux sur les successions" (page 370) et d'autre part d' "aider les Américains ordinaires à épargner" (page 372). Pourquoi les Américains épargneraient-ils si le produit de ce qui est au fond une privation (ou tout au moins un report de sa consommation) est, in fine, confisqué par l'État? La transmission de ses biens à ses enfants est une façon de maintenir leur niveau de vie. Que chacun doive commencer dans la vie sans aucune épargne, et qu'ainsi chaque génération se voit contrainte d'épargner plus encore pour tenter de subsister en cas de vieillesse ou maladie, et que cette épargne soit à nouveau confisquée par l'Etat en cas de décès prématuré, est un frein à cette épargne que Stiglitz prétend vouloir encourager.

Stiglitz ne propose rien de moins que d'imposer un modèle socialiste: la suppression des successions est l'un des dix points du « Manifeste du Parti Communiste" des sinistres duettistes Marx et Engels. Un autre point du "Manifeste" est aussi proposé par le néo-marxiste Stiglitz: un impôt progressif confiscatoire, ne laissant très rapidement aux individus que 30% de leurs revenus (page 370). Sa proposition d'assimiler revenus du travail et plus-values (ce que Stiglitz inclut dans "spéculation") fait également partie d'un plan de destruction du capital, ou plutôt de l'élimination du capital privé pour ne conserver que la propriété publique, gérée par des fonctionnaires irresponsables (dans le sens où ils ne subissent aucune conséquence en cas de perte).

Ceci est parfaitement illustré par la taxation de plus-values sur la vente d'une maison par exemple. Si le bien a augmenté de valeur, il est vraisemblable qu'une grande partie de cette augmentation est due à l'accroissement général des prix. Si le vendeur d'un bien veut racheter un bien de valeur équivalente, il en sera incapable si l'Etat lui confisque une partie de la valeur du bien vendu. Les conséquences sont innombrables: à chaque vente, l'Etat confisque une partie de toutes les propriétés. Les propriétaires auront tendance à conserver leurs biens, même s'ils s'y sentent à l'étroit, même si leur quartier se détériore, et même s'ils ont les moyens d'améliorer leurs conditions de vie. Les citoyens deviennent prisonniers de leurs habitations, aussi sûrement que ne l'était la grande majorité des citoyens soviétiques. Par contre, l’État qui établit cette règle arbitraire (et s’en déclare bénéficiaire) s’exonère lui-même de cette spoliation : il ne paie rien sur les plus-values qu’il réalise sur les logements publics. Dans les cas où il paierait un impôt, comme tout autre propriétaire qu’il spolie, il se paierait cette taxe à ... lui-même !

Cette soviétisation proposée par Stiglitz s'étend même aux soins de santé, qu'il veut rendre accessibles à tous (pages 372-373). Stiglitz ne semble pas voir que les incitants des parties en présence (Etat, fournisseurs de soins, utilisateurs, assurances et professionnels des litiges) sont contradictoires, et que la structuration du mode de règlement entraîne une explosion des coûts qui exclut progressivement les revenus les plus faibles, jusqu'à ce que le système implose. Un laboratoire pharmaceutique orientera ses recherches (et les médecins prescriront ses médicaments) de manière très différente selon que les produits seront payés par le consommateur, par une assurance, ou par l'Etat. Dans le dernier cas, il n'étonnera personne de voir des traitements de plusieurs dizaines de milliers de dollars par an prescrits à des personnes qui ont parfois des revenus inférieurs au prix des soins, et dont l'espérance de vie ne dépasse pas quelques mois. Chacun des intervenants effectue pourtant un choix rationnel de son point de vue, mais le résultat global est un appauvrissement de la société, et une orientation de la recherche dans des domaines sans avenir. De même les sommes exorbitantes réclamées à certains praticiens par des avocats "chasseurs d'ambulances" ont pour résultat des primes d'assurances prohibitives pour les praticiens, et la raréfaction de certaines spécialisations, dont les obstétriciens. Une assurance universelle aggrave le problème.

Sur la voie de la soviétisation, Stiglitz est consistant avec lui-même : il va jusqu’à proposer que des fonctionnaires se substituent aux entrepreneurs dans leurs décisions. Il suggère d’ «augmenter les impôts pour les entreprises qui n'investissent pas et les réduire pour celles qui le font, et pour celles qui créent des emplois. Par ce moyen, on aura plus de chances de parvenir à la croissance... » (page 381). Ce ne sera donc plus le choix au niveau micro-économique qui sera déterminant, mais les choix macro-économiques pris par l'Etat (donc par des fonctionnaires). Ces fonctionnaires seront toujours tentés d'orienter les investissements dans le sens qu'ils auront préalablement déterminé, mais qui n'est pas nécessairement (et même quasiment jamais) la direction naturelle que prendrait le marché, c’est-à-dire les choix des consommateurs. Et, pire encore, les décisions des fonctionnaires ne peuvent être que "vertes" ("qualité de notre environnement", page 382) ou "rouges" ("renforcer le bien-être social"), ce qui implique que les résultats en sont invérifiables.

Stiglitz l’économiste marxiste s’aventure ensuite dans le domaine politique, pour regretter ce qu’il appelle la « privatisation du financement et de la maintenance de la démocratie » (page 385).

Certes, la démocratie est en péril. Mais il ne s'agit pas de la démocratie telle que Stiglitz la conçoit: celle d' un "homme, une voix", c'est-à-dire la démocratie illimitée, qui pousse à exiger de plus en plus, sachant que l'on n'aura pas à payer. Cette « démocratie » des exigences et des « droits » est bien vivante et progresse partout, sous l’impulsion des États, qui y ont trouvé un moyen d’étendre leurs tentacules, sous prétexte de « solidarité » (en réalité de spoliation des uns pour acheter les votes des autres).

Ce qui est en danger, c'est la démocratie Jeffersonienne, celle des gens qui ont quelque chose à perdre. Cette démocratie responsable, Stiglitz ne propose pas de la soigner: il veut l'euthanasier. Les contributions des entreprises aux campagnes électorales ont certes des effets extrêmement pervers, mais Stiglitz ne propose pas de les abolir: il propose simplement de soumettre ces contributions aux votes des actionnaires.

Il manque ici une réelle occasion de rappeler que la démocratie doit être uniquement une affaire d'individus, pas d'entreprises: ces dernières n'ont pas le droit de voter ; au nom de quoi seraient-elles autorisées à financer les partis (avec ou sans l'approbation de leurs actionnaires)?

Ignorant ce principe fondateur de la vraie démocratie, Stiglitz ne voit même pas la seule solution qui sauverait la démocratie: que seules les personnes physiques soient autorisées à financer les partis (idéalement par un pourcentage fixe de leurs impôts). Un maximum serait fixé (pour limiter l'influence des plus riches) et un minimum raisonnable serait imposé, pour démontrer que la démocratie est un droit, mais aussi un devoir, et qu’elle a un coût.

Par ailleurs, Stiglitz plaide pour que le vote ne soit plus libre, mais obligatoire. Ce plaidoyer en faveur d'un vote contraint n'est pas convaincant: dans les seuls pays européens où ce vote est une obligation et non un droit (la Belgique et la Grèce), les Etats sont dysfonctionnels et les extrémismes florissants. Un vote contraint est antagonique avec la liberté de choix, y compris celle de s’abstenir.

Mais sans doute est-ce dans l’intérêt de ceux qui vivent de l’État de cacher à la fois la désaffection des citoyens, et le peu de soutien qu’obtiennent leurs politiques.

Stiglitz s’attaque ensuite à la « mondialisation », une position d’autant plus étrange qu’il a été un défenseur du libre-échange, avant de devenir l’apôtre du collectivisme. Il affirme que cette mondialisation est « biaisée pour mettre le travail en position de faiblesse par rapport au capital» (page 374). Ainsi, la lutte entre les vilains « capitalistes » (ceux qui commettent le crime d’épargne) et les vertueux « travailleurs » passe aujourd’hui par la « mondialisation ».

Stiglitz feint d’ignorer que l’augmentation du niveau de vie des travailleurs a été rendue possible par la mise à sa disposition d’un capital productif de plus en plus considérable. Les quelques ingénieurs qui suffisent aujourd’hui à faire fonctionner une aciérie, grâce à une automatisation des tâches, sont infiniment mieux payés que les centaines d’ouvriers nécessaires pour produire les mêmes quantités de métal il y a un siècle. Mais les seconds ne disposaient que d’outils rudimentaires, donc d’un capital bien plus réduit. Si la part de rémunération du capital a augmenté par rapport à celle du travail, c’est aussi parce que le capital requis est considérablement plus important. Et cela reste valable, qu’il y ait ou non « mondialisation ». Rétablir la proportion capital/travail existant au XIXe siècle impliquerait de réduire considérablement le niveau de vie des travailleurs. Injecter plus de capital dans des activités sans débouché n’aurait aucun sens, bien que cela semble être une proposition de Stiglitz, comme des économistes de l’ère soviétique.

La mondialisation elle-même n'est bien entendu aucunement "biaisée". Le travail est simplement moins mobile que le capital. Et, si le travailleur est figé sur place, les Etats y trouvent leur avantage, puisque le travail est leur principale source de financement, à la fois par les impôts de plus en plus lourds prélevés sur les revenus, et par les charges prétendument «sociales» qui servent à maintenir, un temps encore la fraude pyramidale de la sécurité « sociale ».

Ces pratiques, qui aboutissent à des prélèvements pouvant atteindre 80% (si l’on y ajoute la TVA, amputant également le revenu disponible), rapprochent les pratiques des États de celles de trafiquants d'esclaves: si les charges sur le travail dépassent aujourd'hui, dans la plupart des pays de la vieille Europe, plus de la moitié des salaires, les Etats ne devraient pas voir d'un bon œil ces nouveaux esclaves leur échapper. Quant au capital, il est bien évidemment plus mobile, cherchant une rentabilité qu'il ne trouve plus dans les pays "en voie de désindustrialisation".

Et augmenter artificiellement le pouvoir d'achat ("agir sur la demande", comme le suggère Stiglitz) pourrait ne rien solutionner: le capital ne reviendrait pas: pour un capital équivalent, il restera plus profitable de produire dans des pays à bas salaires. Une augmentation de la demande ne fera donc que dégrader plus encore la balance des paiements.

Pour Stigliz, "Les déséquilibres mondiaux - les grands écarts entre importations et exportations (déficit pour les Etats-Unis, excédents pour la Chine, l'Allemagne et l'Arabie Saoudite) sont depuis longtemps une source d'inquiétude." (page 376)

Il veut donc les « corriger ». Mais il n’a pas vraiment de solution. Bien plus grave : toutes ses « solutions » visent à accroître la demande dans des pays déjà déficitaires : il ne fera qu'aggraver encore le déficit, les déséquilibres, et donc aussi l’ampleur et la fréquence des crises.

Cette absence d’imagination est d’autant plus étonnante que Stiglitz est un grand pourfendeur des recettes du FMI, et de l’institution elle-même. Or, le FMI a été créé, principalement, pour prévenir et corriger ces déséquilibres dans les balances des paiements. Si l’institution a failli, Stiglitz aurait donc un boulevard devant lui pour donner le coup de grâce. Or il se fait que, lui non plus, n’a de solution. Et qu’il n’a pas vu, ou voulu voir, que le FMI a alerté sur ces déséquilibres, plusieurs années avant que la crise n’éclate en 2008. C’est donc de moyens dont manque le FMI : non de moyens financiers, mais de moyens de persuasion ou de coercition. Et cette faiblesse est plus flagrante encore lorsqu’il s’agit de demander à son « actionnaire » principal, les Etats-Unis, de corriger un déséquilibre dont celui-ci est clairement la cause.

Et comment ne pas voir, dans au moins l'un des déficits cités, dus aux importations pétrolières, que c'est un autre Etat qui en est responsable, en exigeant un prix de plus de 100 dollars le baril pour un pétrole qui ne coûte qu'un dollar à extraire?

La société marxiste que propose Stiglitz exige un État fort, coercitif, et qui dicte ses volontés aux citoyens dans tous les aspects de leur vie personnelle ou de leurs relations entre eux. Il prend parti, ou doit au moins prétendre prendre parti, pour les « travailleurs » contre le « capital » (sauf, bien sûr, si ce « capital » appartient à l’État !). Le tableau néo-stalinien exige donc la disparition d’un État impartial, pour le transformer en défenseur d’une partie des citoyens et en ennemi et prédateur d’une autre partie. Comme l’affirme Stiglitz, l'État doit "soutenir l'action collective des travailleurs et des citoyens" (page 379). Contre qui ?

L’État Stiglitzien prend donc parti: il soutient une partie des citoyens contre une autre. Les méthodes suggérées pour corriger ce prétendu déséquilibre des forces entraîneraient deux conséquences:
1) les mesures créeraient un autre déséquilibre, plus grave encore: au lieu d'un groupe d'ouvriers contre une entreprise, nous aurions la totalité des ouvriers contre cette même entreprise. Ce serait en réalité l'ensemble des ouvriers, plus l'Etat (qui ne serait plus arbitre, mais partie) contre une seule entreprise.
2) face à cette coalition de tous contre une seule entreprise, pourquoi celle-ci resterait-elle dans un Etat devenu "l'ennemi"? La boucle est bouclée : il faudra donc étatiser les entreprises pour les empêcher de fuir.

Afin de tenter de rallier des soutiens dans sa volonté de transformer les Etats-Unis en une nouvelle Union Soviétique, Stiglitz estime, dans sa conclusion, que ses recettes pour un bouillon égalitariste ("rétrécir l'écart entre possédants et non-possédants", "partager un même engagement pour la mobilité sociale et l'équité" "est la seule qui soit conforme avec notre héritage et nos valeurs". (page 389)

Stiglitz ne semble pas parler ici d’ « héritage » ou de « valeurs » américaines. Il évoque, au contraire, les "valeurs" et l' "héritage" marxistes. Toutes ses recettes sont très exactement antagoniques avec celle des "pères-fondateurs", et notamment de Thomas Jefferson, auteur de la "Déclaration d'Indépendance". Rappelons deux des citations de Jefferson:

"La politique du gouvernement américain est de laisser leur liberté à leurs citoyens, sans les restreindre, et sans les aider, dans leurs efforts".

ou encore, dans son premier discours d'investiture au Congrès, le 4 mars 1801:

« Un gouvernement sage et économe, qui laissera les hommes libres de régler leurs efforts dans leur travail, et l'amélioration de leurs conditions de vie, et n'ôtera pas de la bouche du travailleur le pain qu'il a gagné: voilà la totalité d'un bon gouvernement."

En prétendant se référer aux « valeurs sacrées » qui ont fait l’Amérique, Stiglitz propose en vérité, bien au contraire, ni plus ni moins que la destruction de ce qui a fondé la prospérité des Etats-Unis, et attiré vers ce pays tous ceux qui cherchaient à se construire une vie meilleure. Non pas une vie telle que celle que leur imposaient alors les absolutismes européens, ou celle que voudraient leur imposer aujourd’hui les diktats de certains macro-économistes. Mais une vie dont ils décideraient eux-mêmes, sans « restrictions » de l’État, mais aussi sans son « aide ».

L’inégalité a un prix. C’est celui de la liberté. Le prix de l’égalitarisme est bien plus élevé: c’est celui d’un État qui « aide» et qui « restreint ». C’est celui de la dictature.